Publié : 30 avril 2015
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Antony

Après avoir préparé une série de questions à poser aux demandeurs d’asile en classe d’euro, notre classe est partie dès le début de l’après-midi en bus vers en endroit qu’aucun de nous, je pense, ne connaissait jusque là. C’est avec beaucoup de curiosité mêlée à de l’appréhension que je suivis le groupe, de l’arrêt de bus jusqu’à une petite rue débouchant sur un grand bâtiment en forme de brique, fait de métal gris qui à premier coup d’œil tenait plus de la prison que d’un centre accueillant. Ainsi la première interrogation qui m’est venue en arrivant, consistait à savoir comment on pouvait se sentir à l’aise dans un bâtiment à l’allure aussi austère. Mais en traversant la porte vitrée ce qui me frappa le plus fut la couleur orangée et chatoyante des murs qui contrastait tellement avec cet extérieur froid.
Sous le regard interrogateur de quelques habitants de ce lieu, nous eûmes peu de temps à attendre puisqu’une femme blonde de petite taille se présenta rapidement à nous et nous emmena dans une salle se situant directement sur notre droite, remplie de chaises rangées en rang et de tables collées le long du mur. Cette salle était également pourvue d’un tableau blanc que notre guide s’empressa vite de rejoindre afin de commencer lorsque nous fûmes tous assis sa présentation qu’elle donnait l’air d’avoir préparée avec soin. Pendant que notre hôte nous parlait du dispositif d’aide aux demandeurs d’asile, mon regard parcourait la salle, s’arrêtant à chaque fois sur ces personnes de tous horizons que notre professeur nous avait présentées comme les volontaires pour être les « victimes » de nos questions, et à leur posture et leurs regards je remarquais qu’elles avaient l’air aussi à l’aise que nous, preuve que pour elles aussi cet exercice était nouveau. Je ne pus m’empêcher d’essayer d’associer chacun des demandeurs d’asile à une des nationalités citées lors de la présentation, comme si poser une étiquette sur leur origine tout en imaginant ce qui avait pu leur arriver à l’aide de mes maigres connaissances en matière de conflits mondiaux pourrait m’aider à engager de manière plus simple la conversation après la présentation.
Moi qui, il y a quelques minutes, était complètement ignorant sur cette histoire d’asile je croulais désormais sous une montagne d’informations que parfois le compagnon de notre professeur remettait en cause, non sans une pointe d’amusement, preuve que lui aussi avait préparé cette rencontre et fait ses propres recherches. Cette présentation un brin ennuyeuse fut tout de même enrichissante. Nous avons par exemple mieux compris le rôle essentiel du personnel accompagnant dans ce Centre et cela d’autant plus que la plupart des demandeurs d’asile ne parlent pas notre langue et que notre système francais peut être bien différent du leur ,rendant la tâche encore plus compliquée. Mais ce que nous attendions tous, c’était les entretiens !

Donc, après avoir déménagée la salle de manière à créer des « points de rencontres », nous nous sommes tous réunis par groupe et nous avons tous rejoins par hasard les groupes de demandeurs d’asile. Un peu stréssé, je dois l’avouer , je m’asseyai donc aux côtés d’Arthur T et de Valentin en face d’une femme et d’une homme qui allaient se présenter sous les noms d’Alex et de Ramnat. Bien que la communication s’est avérée difficile on a tout de même pu les comprendre et leur poser des questions en mélangeant français (qu’ils apprennent tout les deux au Cada), anglais et même la langue des signes, ce qui a donné un mélange assez étrange pour un observateur extérieur. Alex est originaire du Kahzakstan et est en France depuis 1 an. Il a quitté son pays pour des raisons qui nous ont paru assez floues au début. En effet de ce qu’on a compris, il y avait du terrorisme islamique dans le sud du pays mais il nous a également dit que ce n’est pas à cause de ça qu’il a quitté son pays. On a donc dû un peu creuser pour apprendre qu’il était un ancien militaire en désaccord avec son gouvernement, qui selon lui ne respecte pas la constitution . De plus, la population est soumise à des violences policières qui semblent assez courantes, autant dire pas la vie rêvée. Il nous a également avoué de manière très peu explicite qu’il a eu des problèmes avec les services spéciaux du Kazakhstan. Entre temps des questions furent posées à Ramnat originaire de Tchétchénie. Et c’est là que nous avons été le plus surpris lorsqu’elle nous a appris que ça fait 5 ans qu’elle est venue en France, tout d’abord à Angers. Quand on pense au délai des demandes indiqué pendant la présentation on en est bien loin ! Après avoir été à Angers elle fut redirigée au CADA de Vernon où elle séjourne avec son petit garçon de 5 ans depuis 2011. Il s’avère que déjà dès son enfance son pays lui est apparu assez rude puisque son père fut tué pendant la révolution indépendantiste de la Tchétchénie. De plus, les mœurs familiales dans ce pays sont encores soumises aux lois « masculines » où c’est l’homme restant dans la famille qui décide pour les femmes. Ainsi elle fut promise à un mariage forcé d’où est né son enfant et c’est en partie pour cela qu’elle a quitté son pays. J’allais lui demander de manière peut être indiscrète quelles étaient les autres raisons (car un mariage forcé ne correspond à aucun des critères pour faire une demande d’asile) mais il était déjà un peu plus de 16h et ces deux personnes avaient toutes les deux un enfant à aller chercher à l’école. D’ailleurs nous avons été surpris d’apprendre également à ce moment là qu’Alex aussi avait un enfant.
Au fond ce sont deux personnes assez renfermées et qui de ce qu’ils nous ont dit ne peuvent pas tellement s’ouvrir aux autres demandeurs puisque, pour reprendre les mots de Ramnat, « ici on ne parle pas entre nous ». De plus le fait qu’Alex ait eu affaire avec les services spéciaux est une explication de sa difficulté à parler et de la « crainte » qu’il a eu de ce compte rendu.

Ensuite est arrivé le moment du goûter. Certains groupes qui avaient encore leurs interlocuteurs ont continué de discuter tandis que d’autres comme moi, en ont profité pour prendre un cours de géographie grâce au planisphère présent dans la cafétéria. C’est également à ce moment que j’ai appris, en parlant avec un des accompagnateurs, que la fréquence des sorties organisées est de l’ordre de 2 par an : une fréquence qui peut paraître assez faible puisque, vu que ces personnes ne peuvent travailler, elles ne doivent pas avoir beaucoup de choses à faire.